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Premiers retours d’expérience sur l’application de la NF S 90-351

Par BASTIEN CANY | 1 avril 2014 | Salles Propres n° 0091

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En mars dernier, l’Aspec réunissait certains de ses adhérents pour faire le point sur l’application de la révision de la norme NF S 90-351 sur des projets de conception et en exploitation. Des retours qui mettent en évidence une utilisation du référentiel encore trop parcellaire, principalement tournée vers les valeurs guides de performance et délaissant l’approche méthodologique basée sur l’analyse de risque.

Douze mois après la révision de la norme NF S 90-351, l’heure est aux premiers bilans. Publié en avril 2013, le référentiel définissant les exigences de maîtrise de la contamination aéroportée dans les zones à environnements maîtrisés des établissements de santé commence à faire son apparition dans les cahiers des charges. Des retours d’expérience encore limités mais particulièrement attendus tant le nouveau document n’a plus grand-chose à voir avec sa version de 2003. Engagé il y a 5 ans par les experts réunis en commission Afnor, le travail de mise à jour a largement dépassé les objectifs de départ. Entièrement réécrit, le nouveau texte se veut plus complet en intégrant toutes les étapes de vie des environnements maîtrisés : conception, construction, exploitation, contrôle… Outre le bloc opératoire, l’ensemble des activités hospitalières y est désormais traité (pharmacie, chambres, zones de stérilisation…). Les exigences de classification ont également évolué avec des valeurs modifiées pour les taux de brassage, les pressions différentielles ou encore les cinétiques de décontamination, sans oublier la microbiologie de l’air. Plus fondamentalement, la version 2013 réaffirme le principe de l’analyse de risques appliqué à la conception des environnements maîtrisés dans les établissements de santé en fournissant des indications de méthodes et plus de détails. Il revient au maître d’ouvrage d’effectuer cette analyse visant à définir une classe de risque (de 1 à 4) en tenant compte de l’état des patients, de l’acte réalisé, des acteurs et de l’environnement. Pour aider les équipes en charge de ce travail, la NF S 90-351 intègre pour la première fois un tableau présentant des exemples de classes de risque en fonction de l’activité (Tableau 12, 4.7).

 

Une simple recherche de conformité


 

Controversé avant même la parution de la norme, ce tableau des classes de risque soulève aujourd’hui de nouvelles questions. Ce n’est pas tant son contenu qui est mis en cause que l’utilisation qui en est faite sur le terrain. Concrètement, les premiers retours montrent que nombre d’utilisateurs se limitent aux valeurs du tableau et s’affranchissent de tout travail d’analyse de risques formalisée. « La plupart des projets ne fixe aucun objectif de performance et vise simplement une conformité avec le texte », note Sébastien Margot, dirigeant de Beming.

On le sait, depuis le 20e siècle, la responsabilité de l’air dans la survenue des infections nosocomiales reste un sujet de débat. Excepté pour quelques spécialités (chirurgie orthopédique avec implant, transplantations, greffes…), il n’existe pas de consensus fort sur le rôle de l’air, faute principalement de preuves scientifiques. Un état de fait qui explique sans doute en partie les raccourcis pris par certains maîtres d’ouvrage dans la définition des valeurs de risque associées à leurs activités. « Le tableau de la norme ne présente que des exemples de classes de risque. Il faut donc l’utiliser avec prudence, rappelle John Hargreaves, expert ayant participé à la rédaction de la norme. Chacun doit faire son analyse de risque qui est un préalable à toute prise de décision. Cette norme de gestion de projets, et non de prescription, propose de responsabiliser les acteurs ».

 

Une expression des besoins incomplète


 

Autre point en cause selon les concepteurs : une expression des besoins incomplète ou insuffisante et la difficulté à obtenir une vision claire et complète de l’exploitation future des locaux. « Un exemple classique est celui des stérilisations hospitalières. Pour les zones de conditionnement et de stockage, les BPPH* reprises dans la norme demandent une classe de propreté particulaire ISO 8. Or, il n’est pas rare que ces services fonctionnent finalement 20 heures sur 24. Face à un tel niveau d’activité, il n’est pas certain qu’une classe ISO 8 au repos avec un taux de renouvellement revu à la baisse, de 10 volumes par heure suffiront à retrouver une cinétique de décontamination cohérente en activité », explique Sébastien Margot. La situation est évidemment très contrastée selon les structures, leur taille et leur organisation. « Sur des opérations de restructuration, il est possible de parler avec les équipes médicales, indique le dirigeant de Beming. Mais dans le cas de projets neufs ou d’extension, il est rare de pouvoir échanger avec le personnel utilisateur des installations. Nous connaissons bien entendu l’intitulé des salles mais jamais l’acte réel réalisé. D’autant plus qu’entre la genèse du projet et la pose de la première pierre, il peut s’écouler un délai de plusieurs années ». Ce constat n’est pas nouveau. Et c’est précisément l’un des points sur lequel la version 2013 de la norme à évoluer en précisant l’approche méthodologie d’un projet de conception (§4). À commencer par la constitution d’un groupe de travail pluridisciplinaire comme le rappelle Denis Lopez du bureau d’études de l’hôpital du Haut-Lévêque à Bordeaux : « il est primordial de s’en tenir principalement à l’acte chirurgical  » majeur  » que la salle est supposée recevoir pour définir la classe de risque et le type de traitement d’air à mettre en oeuvre. Ce travail est issu d’un consensus entre l’équipe chirurgicale, l’équipe du bloc, l’hygiène hospitalière et le service ingénierie ou le concepteur ». Or, dans les faits, ce type de management de projet reste encore minoritaire.

 

Performances et moyens différents pour une même classe de risque…


 

Pour Frédéric Guillot, responsable de l’activité hospitalière chez France Air, une lecture trop restrictive de la norme peut également conduire à des erreurs d’interprétation. « Pour des locaux classés en risque 3, la version actuelle de la NF S 90-351, comme la précédente d’ailleurs, laisse le choix entre deux régimes d’écoulement de l’air : unidirectionnel ou non unidirectionnel. La version de 2003 imposait toutefois un taux de brassage minimal compris entre 25 et 30 volumes par heure. Ce seuil a été abaissé à 15 volumes par heure dans le cadre de la révision. Or, la mise en place d’un flux unidirectionnel conduira, de fait, à générer des taux de renouvellement d’air de l’ordre de 30 à 80 volumes/heure, en raison de la nécessité de maintenir une vitesse d’écoulement d’air de 0,25 m/s minimum. Si bien que pour une même classe de risque, il est possible de recourir à deux solutions de niveau très différent : d’un côté, un flux non unidirectionnel à 15 volumes/heure, de l’autre un flux unidirectionnel avec des débits et un renouvellement d’air largement supérieurs ». Un paradoxe que la norme elle-même reconnaît puisque le texte précise que les taux de brassage horaire en classe 2 et 3 sont volontairement plus faibles que les usages et qu’il importe de vérifier leur adaptation à l’activité. Pour autant, elle n’établit aucune exigence particulière pour ces vérifications, ni méthodes de calculs, ni essais in situ. « La commission a maintenu la position antérieure de ne pas fixer d’exigences de qualification en activité, rappelle John Hargreaves, alors que certains pays ont fait d’autres choix comme la Suisse qui s’est dotée en 2003 d’une norme décrivant une méthode de qualification de performance des salles en prenant notamment en compte les charges thermiques et les influences géométriques du système » (voir article page 32 dans Salles Propres n° 68).

 

Paramètre clé : la cinétique de décontamination


 

Dans ce contexte, un critère apparaît désormais comme primordial : la cinétique de décontamination renommée dans la version 2013 « cinétique d’élimination des particules ». Pour les professionnels interrogés, il fait désormais figure de valeur garde-fou même si la méthode d’essai associée nécessiterait d’être mieux décrite.

Le texte n’effectue pas de distinction entre des obligations de moyens et des obligations de résultat. Mais face à la réduction des taux de brassage et en l’absence de qualification en activité, la cinétique s’impose comme un objectif qui doit guider le dimensionnement aéraulique des installations. Au passage, elle est également le seul paramètre dont les exigences ont été revues à la hausse lors la révision de la norme.

Au CHRU de Lille, Christophe Lestrez, responsable de la qualité de l’air au sein de la Délégation de la qualité des risques et des vigilances s’est penché sur l’impact concret de la nouvelle norme. Près de 600 contrôles sur des salles existantes de classe ISO 7 ont ainsi été effectués avec comme référence les valeurs de 2013. Premier constat : alors que 99 % des salles étaient conformes au texte de 2003 sur le critère de la cinétique, ce taux baisse à 87 % avec les valeurs du nouveau référentiel. À l’inverse, la conformité sur les taux de brassage est, sans surprise, en très nette augmentation puisqu’il passe de 52 % à 91 %. Au final, l’indicateur global de conformité sur le parc de locaux ISO 7 passe de 30% à 69 %. L’exercice vient confirmer que la cinétique d’élimination des particules devient bien un paramètre essentiel dans le cadre de la nouvelle NF S 90-351. Mais il illustre également à quel point l’utilisation de la norme pour la simple recherche d’une conformité à une classification n’a ni sens, ni intérêt… Dans le cas du CHRU de Lille, 2 % des salles évaluées ont vu leur statut passer de conforme à non conforme, ou inversement, par le seul jeu du changement de référentiel. La norme NF S 90-351 version 2013 n’est pas parfaite, loin de là. Mais la richesse de son contenu en fait un formidable outil d’aide à la conception et à l’exploitation pour la maîtrise d’ouvrage hospitalière. À condition toutefois qu’elle soit prête à l’utiliser comme tel sans se limiter à une lecture simpliste et parcellaire des tableaux de classification et de performances.

Source :  www.processpropre.fr

 

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